La formation des ministres du 21ème siècle
Etude Recto Versoi

étude sur la formation des ministres du 21ème siècle

190 ministres et 337 formations passés au crible

Conditions d’analyse de l’étude :

  • Sont concernés les ministres* de tous les gouvernements depuis le 1erjanvier 2000

  • Sont comptés une seule fois les ministres qui ont été en charge de plusieurs ministères

  • Sont recensées uniquement les formations ayant donné lieu à l’obtention d’un diplôme final

  • Sont comptabilisés tous les diplômes de filières différentes

  • Est seulement pris en compte le diplôme le plus élevé dans une même filière de formation

*Personnes participant au Conseil des ministres : les 1erministres, ministres et ministres délégués mais pas les secrétaires d’État

 

Le remaniement récent du gouvernement Philippe nous donne l’occasion de nous pencher sur les formations de nos responsables politiques et plus particulièrement ici des 190 ministres français du 21ème siècle.

Matignon

Quelles sont les formations des ministres du 21ème siècle ?

Une grande diversité de diplômes, et quelques viviers principaux

 

Le trio gagnant : Droit, Sciences Po Paris et l’ENA

podium des formations des ministres

 

les principales formations des ministres

 

Les sciences politiques à l’honneur : plus d’un ministre sur 3 diplômé d’un IEP

Les diplômes de droit et sciences politiques (32%), de Sciences Po Paris (30%) et de l’ENA (19%) sont de loin les plus représentés, ce qui n’est pas une surprise quand on sait que ces deux dernières écoles forment notamment les grands serviteurs de l’Etat. En ajoutant les IEP (Institut d’Études Politiques) de Province à Sciences Po Paris, plus d’un ministre sur 3 a suivi un cursus d’IEP (35%) !

 

Le commerce et les sciences sous-représentés : moins de 15% des ministres issus des plus grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs

Les diplômés des autres filières d’excellence, que sont traditionnellement les écoles de commerce-management et les écoles d’ingénieurs, sont sous-représentés : seuls 6% des ministres sont passés par les trois écoles de commerce les plus réputées que sont HEC, l’ESSEC et l’ESCP. En ajoutant les autres écoles de commerce, la proportion n’atteint pas plus de 8%. Côté écoles d’ingénieurs, seuls 3% sont passés par Polytechnique (qui historiquement formait aussi les grands serviteurs de l’Etat) ; en élargissant les écoles, 6% des ministres seulement sont passés par l’une des 10 meilleures écoles d’ingénieurs, et plus largement 7% par une école d’ingénieurs. Enfin en y ajoutant les études universitaires en sciences, la proportion ne dépasse pas les 10% !

 

L’international quasi-absent : pas plus de 2% des ministres diplômés à l’étranger

Point intéressant encore, les ministres ont très rarement franchi nos frontières pour étudier à l’étranger, puisqu’ils ne représentent pas plus de 2%... A noter que l’ouverture à l’international est relativement récente en France et explique aussi cette proportion très faible pour des ministres qui ont rarement moins de 45 ans.

 

6% des ministres ont au mieux le baccalauréat… jusqu’à quand ?

Enfin, il est important de relever que 6% des ministres ont le Baccalauréat ou un diplôme de niveau inférieur… Devenir ministre reste donc possible quand on est moins diplômé, même si les autodidactes sont et seront de plus en plus rares avec l’élévation du niveau d’études moyen.

Quelles formations pour les ministres selon leur appartenance politique ?

Quelques clichés confirmés mais aussi quelques surprises

formations des ministres selon leur appartenance politique

 

Il nous a semblé intéressant d’analyser les formations selon l’appartenance des ministres aux gouvernements de gauche, de droite… ou du « centre » (en considérant les gouvernements Philippe comme ni de gauche ni de droite). En tenant compte de cette catégorisation, 43% des 190 ministres viennent de gouvernements de droite, 42% de gauche et 15% du « centre ».

 

Deux filières de formation sont mieux représentées au centre et à droite, comparé à la gauche :

  • Les gouvernements de droite et du centre ont une proportion de diplômés d’écoles de commerce 3x plus importante que celle des gouvernements de gauche (environ 12% chacun contre 4,2%)
  • Côté écoles d’ingénieurs (tous niveaux confondus), le centre et la droite montrent une proportion 2,5x plus importante que la gauche (environ 10% chacun contre 4%)

 

Trois filières de formation sont mieux représentées au centre, comparé à la gauche et à la droite :

  • La proportion des « diplômés du Bac ou moins » est 3,5x plus importante pour les ministres du « centre » que pour la moyenne des ministres de gauche et de droite (14% des ministres du centre sont de niveau Bac ou moins contre 4% en moyenne dans des gouvernements de gauche et de droite)
  • Au niveau études de langues, le centre montre une proportion 9x plus importante que la droite et 4x plus importante que la gauche (10,7% contre 1,2% et 2,8%)
  • En sciences, le centre montre une proportion 3x plus importante que la gauche et 2x plus importante que la droite (7,1% contre 2,8% et 3,7%)
  • A l’inverse, la proportion d’énarques est 2x plus importante dans les gouvernements de gauche ou de droite comparée aux gouvernements du centre (environ 21% chacun contre 10,7%)

 

Trois filières de formation sont mieux représentées à gauche qu’à droite ou au centre :

  • Pour les études de lettres, la proportion est 63% plus élevée à gauche qu’à droite et 2x plus élevée à gauche qu’au centre (13,9% contre 8,5% et 7,1%)
  • Sur les études d’histoire-géographie, le décalage est encore plus grand puisque la gauche montre une proportion 6x plus importante que la droite et 2x plus importante que le centre (13,9% contre 2,4% et 7,1%)
  • Dans le même sens, sur les études de philosophie, la gauche montre une proportion 7x plus importante que la droite et 2x plus importante que le centre (8,3% contre 1,2% et 3,6%)

 

Deux filières de formation sont mieux représentées à droite qu’à gauche ou au centre :

  • Côté études de santé, la droite montre une proportion 2,5x plus importante que le centre et 15% plus importante que la gauche (8,5% contre 3,6% et 6,9%)
  • Concernant les études de droit, la proportion est 40% plus élevée à droite qu’à gauche ou au centre (37,8% contre environ 29% chacun)

A l’inverse, les gouvernements de gauche et du centre montrent des ministres diplômés d’universités étrangères, alors que les gouvernements de droite n’en ont pas.

 

Les différences sont moins marquées pour les formations suivantes : Sciences Po Paris, IEP de province, sciences économiques et de gestion.

En résumé pour les aspirants ministres, vous avez plus de chances de faire partie :

  • d’un gouvernement de gauche si vous faites des études de : lettres, philosophie, histoire-géographie… ou à l’ENA
  • d’un gouvernement de droite si vous faites des études de : droit, santé, ingénieur, commerce/gestion… ou à l’ENA
  • d’un gouvernement de « centre » si vous faites des études de : langues, sciences, ingénieur, commerce/gestion… ou d’être « peu » diplômés

Quelles formations pour les ministres hommes et femmes ?

De vraies différences à relever

Sur les 190 ministres français recensés au 21ème siècle, un tiers sont des femmes et deux tiers sont des hommes… la part des femmes ayant été nettement renforcée ces dernières années.

les différences de formations entre les ministres hommes et femmes

 

En revanche, nous pouvons constater un équilibre relatif (écart entre les proportions d’hommes et femmes inférieur à 20%) dans les formations suivantes :

  • Avec un léger avantage pour les hommes : ENA / Sciences économiques
  • Avec un léger avantage pour les femmes : HECESSEC-ESCP / Droit et sciences politiques / Lettres

Le Top 20 des ministres les « plus diplômés »

Les ministres n’ont plus droit au cumul des mandats, mais ils cumulent bien souvent les diplômes (et ils en ont tout à fait le droit…)

 

45% des ministres possèdent au moins deux diplômes

Une proportion importante de ministres détient plusieurs diplômes dans des filières de formation différentes (attention, un ministre qui a une licence puis un master puis un doctorat de mathématiques par exemple n’est compté qu’avec un seul diplôme et non trois) :

  • 2% détiennent 5 diplômes dans des filières ou écoles différentes. C’est le cas de M. M. Fekl et de Mme E. Guigou à gauche, ou encore de MM. R. Dutreil et B. Lemaire à droite
  • 6% en détiennent 4, dont Mme A. Azoulay, MM. L. Fabius, P. Moscovici, , M. Sapin, D. StraussKahn dans les gouvernements de gauche, mais aussi Mme C. Jouanno, MM. F. d’Aubert, F. Baroin, A. Juppé, H. Mékachéra, L. Wauquiez, à droite, et enfin M. JM. Blanquer dans les gouvernements « Philippe »
  • 14% en détiennent 3
  • 23 % en détiennent 2
  • Au total, 45% des ministres possèdent donc au moins deux diplômes dans deux filières ou écoles différentes
  • 50% ne sont en possession « que d’un seul » diplôme de l’enseignement supérieur
  • 5% ne détiennent aucun diplôme après le Bac, et leur parcours politique n’en est que plus remarquable : Mmes D. Batho (études d’histoire arrêtées), Y. Benguigui, L. Flessel (sportive de haut niveau), M. de Sarnez, mais aussi MM. JP. Delevoye, C. Estrosi (sportif de haut niveau), JC. Gayssot (apprentissage en électricité), D. Guillaume, N. Hulot (études de médecine arrêtées), G. de Robien (études de droit arrêtées)

 

Top 20 des ministres « les plus diplômés »

Outre le décompte du nombre de diplômes obtenus par chacun des ministres, nous avons ressorti un « Top 20 des ministres les plus diplômés » … ceci sans ordre particulier.

Les ministres de ce Top 20 (7 femmes et 13 hommes) ont été sélectionnés pour leur parcours dans plusieurs écoles ou formations dites « d’excellence ».

Attention, ce Top 20 reste très relatif : de nombreux autres ministres sont « surdiplômés », ceux passés par Sciences Po et l’ENA étant par exemple légion.

Top 20 des ministres les plus diplômés

 

La liste des diplômés de Sciences Po Paris + ENA que l’on peut ajouter à ce Top 20 comporte aussi des noms prestigieux : Mmes M. Aubry, C. Colonna, F. Parly, S. Royal, C. Tasca et MM. P. Bas, JP. Chevènement, JF. Copé, R. Donnedieu de Vabres, H. Gaymard, L. Jospin, G. Longuet, E. Macron, P. Moscovici, D. Perben, E. Philippe, A. Richard, H. Védrine, D. de Villepin, PA. Wiltzer… en tout 20 ministres auxquels nous pouvons ajouter les 12 concernés dans le Top 20, soit un total global de 32 !

Pour terminer ce point sur le cumul des diplômes, la palme du parcours de formation que nous pouvons considérer comme « le plus atypique » revient à Mme Chantal Jouanno : Baccalauréat, puis BTS de Commerce international, puis Maîtrise d’Administration Économique et Sociale à Paris I-Sorbonne, puis Sciences Po Paris, puis l’ENA ! Bravo…

La formation ne présage pas de la fonction ministérielle

Les formations des ministres peuvent parfois être sans rapport direct avec le ministère dont ils sont en charge

Nous pouvons aussi constater que les ministres ont parfois une formation initiale éloignée du le champ d’intervention de leur ministère… ce qui ne les a pas empêchés de développer une expertise et d’être efficaces dans leur domaine d’intervention… « la formation est une chose, la suite en est une autre » :

décalages entre formations et fonctions ministérielles

Bonus > Le saviez-vous ?

Vous pouvez réussir après un (ou plusieurs) échec(s) !

Si ces analyses sont souvent centrées sur les formations dites « d’excellence » (ce qui peut apparaître normal compte tenu des fonctions exercées), il est heureusement possible de devenir ministre après un ou plusieurs échecs. Saviez-vous ainsi que :

  • Au moins quatre ministres n’ont pas obtenu le diplôme de Sciences Po après avoir intégré la formation, et non des moindres : MM. N. Sarkozy, B. Hortefeux, P. Devedjian et V. Lurel.
  • On peut être ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie après avoir redoublé son CM2… même si M. F. Baroin a collectionné les diplômes par la suite.
  • On peut échouer au concours de l’ENA et devenir numéro 1 d’un des plus grands cabinets d’avocats au monde, puis ministre de l’Economie, puis Directeur Général du FMI… comme Mme C. Lagarde
  • On peut intégrer Sciences Po Paris, devenir ministre de la Défense et superviser les Armées françaises après avoir redoublé sa seconde, sa première, et avoir été exclu de deux lycées, comme M. H. Morin !
  • Enfin, même notre Président de la République M. E. Macron a échoué 2 fois à Normale Sup, quelques années après avoir pourtant été lauréat du concours général de français.

A chacun de savoir rebondir, quels que soient son niveau scolaire et ses capacités !

ministres français

 

Retrouvez notre étude au format slideshare ci-dessous :

Vous pouvez également télécharger cette présentation au format pdf avec le lien suivant : 
Recto Versoi > La formation des ministres français du 21ème siècle - Novembre 2018

 

Publié par Recto Versoi le 14/11/2018