Interview de Tarek Abid
Responsable MS Marketing Communication et Ingénierie des Produits Agroalimentaires - UniLaSalle/EM Normandie

Interview Tarek Abid - Responsable MS Marketing Communication et Ingénierie des Produits Agroalimentaires – UniLaSalle-EM Normandie

Nous avons le plaisir d’accueillir cette semaine sur notre blog Tarek Abid, Responsable MS Marketing Communication et Ingénierie des Produits Agroalimentaires – UniLaSalle/EM Normandie. Tarek Abid a bien voulu partager avec nous son regard d’expert sur le monde de l'industrie agroalimentaire.

Qui est Tarek Abid ?

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Tarek Abid est enseignant chercheur en sciences de gestion à l’Institut Polytechnique UniLaSalle Rouen, école d'ingénieur en agronomie & agro-industrie et métiers de l'environnement présente sur 3 campus : Beauvais, Rouen et Rennes.

Après un parcours universitaire en marketing et une thèse de doctorat en sciences de gestion, il a travaillé dans l'industrie agroalimentaire, notamment pour Coca-Cola, avant de se diriger vers l'enseignement.

Tarek Abid a exercé dans différentes écoles de commerce et universités. Il enseigne maintenant à UnilaSalle où il est Responsable du Mastère Spécialisé Marketing Communication et Ingénierie des Produits Agroalimentaires ainsi que de la Spécialisation Marketing des Produits Agroalimentaires.

Il est aussi conférencier et a publié plusieurs articles (références à la fin de l’interview).

Ses domaines d’expertise sont la stratégie de marque, la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) et le développement durable appliqué aux marques, plus particulièrement dans l’agroalimentaire. Le comportement du consommateur est aussi un de ses sujets de prédilection et particulièrement ce qui touche à la consommation responsable.

Et maintenant, place à notre interview.

Quels sont les aspects du management de l’agro-alimentaire qui vous passionnent le plus ?

Le plus passionnant dans l'agroalimentaire c'est l’évolution perpétuelle du marché de l'agroalimentaire. C'est un secteur très dynamique et très innovant (40% de nouveaux produits entrent chaque année sur ce marché). A l’exception de quelques produits qui ont fait la renommée de certaines marques, un produit ne va pas durer, généralement, une éternité. Les contraintes, les technologies et les besoins des consommateurs changent et évoluent tout le temps. Ces changements sont de plus en plus rapides aujourd’hui avec un rythme plus soutenu, notamment  avec le digital. Il suffit de voir les mutations qui sont en train de se faire actuellement dans les circuits de distribution alimentaires notamment avec les circuits courts et l’arrivé des géants du digital comme Amazon, Google et Alibabuy.

Lorsque j'ai commencé ma thèse en 2008, je me suis intéressé au développement durable et à la RSE car le marché en pleine évolution commençait à tendre vers ces thématiques. Aujourd'hui on est dans une société qui fait de plus en plus attention à ce qu'elle consomme et à comment elle consomme. C’est intéressant de voir et d’analyser comment cette dualité et diversité des circuits permettent de répondre à ce besoin.

Aujourd’hui, quels sont les métiers du management dans l’agro-alimentaire les plus recherchés par les entreprises ? 

On peut classer les métiers du marketing en 3 catégories : 

- Les métiers du marketing stratégique : directeur marketing, directeur de chargé d'études marketing...

- Les métiers liés au marketing produit : chef de groupe, chef de marque, chef de produit (par lequel on commence généralement la vie active).

- Les métiers du marketing opérationnel : le marketing de vente directe, les PLV, le trend marketing, les relations avec la grande distribution.

Il existe aussi le volet commercial et celui de l’export :

- Des métiers en lien avec la vente, l’après-vente, le management : directeur commercial, directeur export, directeur régional, responsable de développement ou responsable commercial.

- Des métiers tournés vers l’export, l’international : Le “Key account manager”, dans les grands groupes, qui gère des  comptes clés dans des grandes zones géographiques en Europe mais aussi sur d’autres continents comme en Asie où les produits agro- alimentaires se vendent de plus en plus.

Dans les PME, ce sont les responsables export doivent travailler sur des stratégies d'export. Nos étudiants ont fait plusieurs projets avec des PME sur des stratégies d'export. Par exemple, pour une entreprise qui cherche à exporter : Quel marché va-t-elle choisir ? Comment faire l'analyse globale de ce marché ? Comment vendre dans un contexte international ? etc.

On trouve aussi des postes dans l’agroalimentaire en lien avec les matières premières.

Les métiers du sourcing et des achats, aller chercher des matières premières à peu près partout dans le monde, sont recherchés.

De manière générale, notamment dans le marketing, il est important de commencer par le terrain. J'ai travaillé chez Coca-Cola et tout passe par une connaissance du terrain. Il faut bien connaître les circuits de distribution et le produit avant de commencer à candidater à des postes à responsabilités.

Dans l’agroalimentaire, beaucoup de produits sont lancés. Le secteur agroalimentaire en France est un des secteurs qui embauchent le plus et qui fonctionne très bien.

Quels sont les métiers émergents, les nouveaux métiers dans ce domaine ?

Concernant les métiers émergents, je ne vais pas être innovant, mais il s’agit de tout ce qui touche au digital.

Aujourd'hui le digital est en train de faire disparaître un certain nombre de métiers mais il en crée pleins d'autres.

Par exemple en marketing et communication, beaucoup d'entreprises cherchent des personnes qui maitrisent les outils digitaux. Beaucoup de responsables marketing et communication classiques ont énormément d'années d'expérience mais ne connaissent pas du tout ces outils.

Pour renforcer les équipes, Ils peuvent être amenés à recruter un chef de produit digital. On voit aussi le métier de responsable CRM digital arriver, chapeauté par le responsable marketing. Son rôle est d’animer des discussions de groupes, de détecter les attentes et les tendances de comportements de consommateurs sur les réseaux sociaux notamment.

Les métiers d’avenir sont aussi ceux en lien avec l’intelligence artificielle. Les circuits de distribution notamment dans l’agro-alimentaire sont concernés.

Amazon par exemple modifie les circuits de distribution habituels en débarquant dans une multitude de pays avec différentes formes de vente (le premier magasin sans caisses à Seattle).

Avec le digital, on fait désormais nos courses par le Drive. Derrière, il existe tout un système à mettre en place pour assurer l'achat. Il faut donc que les entreprises s’adaptent et développent une stratégie distincte pour le digital à l’aide des différents outils existants, mais il faut que cette stratégie reste en accord avec leur stratégie marketing globale.

Les métiers d’études de marché et d’analyse des comportements des consommateurs. L’opportunité du digital (du Big Data) est d’utiliser ces nouveaux outils pour pouvoir analyser les nouveaux comportements de consommateurs.

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Pour un jeune souhaitant s’orienter vers les métiers du management dans l’agro-alimentaire, quelles compétences clés leur conseilleriez-vous de développer ?

Ce qui est le plus demandé aujourd'hui c'est la transversalité, de pouvoir toucher à plein de choses, d'avoir une double compétence, voire même un peu plus parfois. L'innovation est partagée par les ingénieurs et le marketing. La frontière entre le « Back office » et « Front office » est de plus en plus mince.

Les entreprises recherchent des profils variés pour pouvoir innover.

Il ne faut plus rester spécialiste dans un domaine, il faut avoir des spécialités mais il faut encore plus s'ouvrir. Il faut être ouvert pour pouvoir discuter avec des gens qui n'ont rien à voir avec notre domaine d'activité mais qui peuvent amener un plus. C’est pourquoi les entreprises de l’agro-alimentaire s’intéressent de plus en plus aux softs skills (compétences comportementales). Elles recherchent des personnes ouvertes, curieuses, qui prennent des initiatives.

Les hard skills (connaissances techniques) sont bien sûr importantes et nécessaires pour réussir dans ce domaine. Il faut connaître les « process » de fabrication, les contraintes de l'industrie agro-alimentaire, les contraintes de fabrication, les contraintes légales et de qualité. Mais ce n’est pas suffisant.

Avoir les connaissances techniques (orientation produit) et aussi marketing (orientation client) est un atout dans ce secteur.

Ce que je recherche personnellement dans le profil des étudiants que je recrute, c'est d'être impliqué et d'avoir la soif d'apprendre.

Chaque année j’augmente le nombre d'heures d'anglais pour améliorer le niveau d'anglais de mes élèves car aujourd'hui, pour valider un diplôme d'ingénieur, il faut avoir au minimum un niveau B2 en anglais. C'est indispensable notamment pour les métiers de l’export.

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots votre MS Marketing Communication Ingénierie des Produits Agroalimentaires ?

Le MS-Marketing Communication Ingénierie des Produits Agroalimentaires est ouvert aux Bac+5 et aussi à des niveaux Bac +4 avec 3 ans d’expérience. C’est un Mastère Spécialisé en formation continue avec un stage de 4 à 6 mois à partir du mois d'avril.

Ce Mastère est porté par l'école d'ingénieurs UniLaSalle et L’École de Management de Normandie. Les étudiants viennent principalement de Normandie mais également de toute la France et même de l'étranger. Le Mastère Spécialisé existe depuis des années et cette double compétence est très attractive pour les entreprises. L'idée est vraiment de croiser les profils ingénieurs et étudiants venant des écoles de commerce !

Les enseignants sont majoritairement des consultants ou des personnes travaillant dans le milieu de l'agroalimentaire. Ils transmettent ainsi leur connaissance du produit et du secteur de l’agroalimentaire aux étudiants en école de commerce et pour les ingénieurs agro l'aspect un peu plus managérial et marketing.

En début d’année, nous proposons aux étudiants de réaliser un bilan de compétences de manière auto-évaluée. Ils travaillent ainsi sur la connaissance de soi, réfléchissent à leur parcours professionnel et leur carrière. Ils identifient les compétences qu’ils doivent acquérir (soft et hard skills) lors de la formation.

Les étudiants vont travailler sur des blocs de compétences et de connaissances. Ils acquièrent des connaissances dans la communication, le marketing, l’innovation avec un axe de plus en plus important du côté digital et big data.

La formation propose beaucoup de projets. Par exemple, chaque année les étudiants organisent une conférence. La dernière portait sur le digital et l’alimentation et notamment l'impact du digital sur la grande distribution.

Les étudiants organisent entièrement l’événement et font appel à des professionnels et des spécialistes du domaine.

Ils participent aussi aux entrepreneuriales où ils travaillent sur un projet d'innovation pour le confronter ensuite à d'autres acteurs, d'autres écoles.

La formation permet aussi aux étudiants de travailler sur des cas concrets, avec de vraies problématiques d'entreprises : développement d’une nouvelle marque, développement commercial d’une entreprise, conception de la stratégie d'export pour des PME sur le marché asiatique etc. Ils peuvent être mis en compétition.

Pour développer l’aspect innovation, nous avons mis en place des ateliers de créativité. Plus l’étudiant arrive à mettre de côté sa rationalité, plus il peut être créatif. On peut penser que généralement les étudiants d'écoles de commerce sont plus créatifs, cependant cette année, ce sont des ingénieurs qui ont remporté les entrepreneuriales de Normandie et qui vont passer au niveau national. La créativité peut s'apprendre !

Mot de la fin : quels conseils donneriez-vous à un lycéen qui veut s’orienter dans ce domaine ?

Je conseille aux jeunes de choisir un métier en fonction de leurs envies.

Pour faire une école d'ingénieurs, on se dit souvent qu'il faut faire une classe préparatoire, qu’il faut être parmi les premiers pour pouvoir y accéder etc. Ce n’est pas toujours le cas. Plusieurs écoles d’ingénieurs, comme UniLaSalle, offrent un parcours de prépa intégrée. Nous recevons aussi des étudiants qui ont fait des parcours différents (IUT, BTS…) et qui souhaitent avoir une spécialisation en 4ème et 5ème année.

Un jeune peut débuter son école avec une idée d’orientation professionnelle en tête et en ressortir avec une autre très différente. Je comprends très bien qu'à 17 ou 18 ans, commencer à réfléchir à ce qu'on veut faire peut être compliqué. Néanmoins il faut se dire "même si plusieurs choix s’offrent à moi je dois m'orienter vers ce que j'ai envie de faire".

 

Merci à Tarek Abid d’avoir accepté notre invitation et pour le temps consacré.

 

Lien pour en savoir plusMS Marketing Communication Ingénierie des Produits Agro-alimentaires

 

ABID T., MOULINS J.L., (2015) « Une échelle de mesure de la responsabilité sociale des marques : application aux consommateurs de marques alimentaires biologiques », Revue Française de Marketing, N°254, 4/4, p. 23-37.

ABID T. RODIER F. & DURIF F. « pourquoi achète-t-on des produits alimentaires locaux ? Une étude en fonction des circuits de distribution », 10ème journée du Marketing Agroalimentaire de Montpellier, 25 Septembre 2015.

ABID T., ABID-DUPONT M.A. & MOULINS J.L. (2018), “Enhancing brand commitment through social responsibility associations:  A two-path moderated model”, Academy of Marketing Science, World Marketing Congress- WMC- Porto

 

 

Publié par Recto Versoi le 03/05/2018