Interview de Sophie Schiller
Co-Responsable Master 2 Droit des affaires Paris-Dauphine

Interview Sophie Schiller - Co-responsable Master 2 Droit des affaires Paris-Dauphine

Nous avons le plaisir d’accueillir cette semaine sur notre blog Sophie Schiller, Co-Responsable du Master 2 Droit des affaires de Paris-Dauphine. Sophie Schiller a bien voulu partager avec nous son regard d’experte sur le monde du droit des affaires.

Recto Versoi : Qui est Sophie Schiller ?

Paris-Dauphine

Sophie Schiller est Professeur agrégée des universités en droit privé depuis près de 20 ans. Elle a passé 14 ans à HEC en tant que responsable de plusieurs formations juridiques. 

Depuis une dizaine d’années, elle enseigne à l’université Paris-Dauphine et dirige le laboratoire de recherche en droit. Sophie Schiller est Co-Responsable du Master 2 Droit des affaires (master généraliste en droit des affaires) et Responsable du Master 2 Droit du patrimoine professionnel (spécialisé dans le conseil de dirigeants d'entreprise). 

Elle dirige également 2 formations continues au sein de l’université Paris-Dauphine.

Elle est aussi membre de la commission des sanctions de l’AMF (l’Autorité des Marchés Financiers), avocate au barreau des Hauts-de-Seine et consultante auprès d’avocats.

De plus, Sophie Schiller est la co-auteure de l’ouvrage « Guide des pactes d’actionnaires et d’associés » publié récemment aux éditions Lexis-Nexis. Elle est, en outre, la rédactrice en chef adjointe de la revue « Revue Française de Gouvernance d’Entreprise » et rédactrice en chef de la revue « Actes pratiques et ingénierie sociétaire ».

Récemment, elle a participé à la rédaction de plusieurs textes, en particulier celui de la réforme de l'objet social (article 1833 du Code Civil) avec la commission Sénard-Notat qui porte sur la redéfinition de l'entreprise. Elle a également aidé à la rédaction de la loi sur le devoir de vigilance, votée en 2017, portant sur les droits de l’homme en entreprise. Il s’agit de la loi qui fait écho à l'accident du Rana Plaza survenu en 2013 au Bangladesh.

 

Et maintenant, place à notre interview.

Recto Versoi : Quels sont les aspects du droit des affaires qui vous intéressent le plus ?

Le droit des affaires n'est pas un domaine qui fait l'objet d'une définition juridique précise mais si nous avions à le définir, nous pourrions dire que le droit des Affaires regroupe tout le droit qui permet d'être en interaction avec une entreprise

Ainsi, le droit des affaires est une notion extrêmement vaste dont la matière "mère" est celle structurante du droit des sociétés. A cela vient également s’ajouter le droit de la concurrence, le droit des procédures collectives, le droit des contrats d'affaires, le droit international, le droit du commerce international, etc. 

Dans le droit des affaires, le droit des sociétés est vraiment mon cœur de métier. Quand on a une expertise comme celle-là, on est amené à être en interaction avec beaucoup d'autres matières du droit

Le droit des sociétés est un sujet très vaste mais aussi passionnant qui s’est développé ces dernières années. Sa dimension théorique est très importante ainsi que son application pratique.

Par ailleurs, c’est une matière qui n’est pas du tout répétitive, en évolution constante, ce qui la rend vraiment exaltante !

Recto Versoi : Aujourd’hui quels sont les métiers du droit des affaires les plus recherchés par les structures, les entreprises ? Quels sont les métiers émergents, les nouveaux métiers ?

Il y a une chose très importante pour comprendre les métiers du droit, c’est qu’un étudiant qui sort d'un master ne va pas exercer exactement les mêmes métiers pendant ses 40 années d’activité. Une carrière professionnelle aujourd'hui ça se construit.

 

En droit des affaires c'est une carrière qu'il faut construire, par étapes successives.

Aujourd'hui, si vous voulez commencer une carrière en droit des affaires, il est quasiment indispensable de commencer par faire quelques années au sein d'un cabinet d'affaires. Il faut d’abord obtenir l'examen du Barreau, c'est une formation post-master en quelque sorte, que vous ayez ou non l'envie d'être avocat. Si vous voulez devenir juriste en entreprise par exemple, il est donc préférable d’exercer en tant qu’avocat d’affaires pendant 3-4 ans avant d’intégrer une entreprise. 

Certains métiers en droits des affaires émergent aujourd'hui mais ce ne sont pas des métiers de juniors. Les juniors doivent commencer par quelques années généralistes, car ces années les aideront plus tard à rebondir.

Une fois que vous avez passé ces premières années, vous avez une grande variété de professions, de métiers, de modes d'exercices professionnels qui s'offrent à vous. La particularité du droit c'est qu'il y a différents modes d'exercices professionnels. On peut occuper une profession libérale ou bien être salarié. Ce sont deux façons très différentes de vivre. Vous faites un choix de vie et ensuite un choix d'entreprise/de structure

Quand vous êtes profession libérale vous avez plus de liberté et la possibilité d'avoir un salaire beaucoup plus élevé, mais celui-ci peut connaître de fortes variations. Vos horaires sont souvent très importants. Les professions libérales n'ont quasiment aucune protection sociale.

Quand vous êtes en entreprise, ou dans une structure où vous êtes salarié, vous avez en général des horaires qui sont beaucoup plus encadrés, et vous avez des salaires plus bas. Vous pouvez bénéficier d’un congé maternité.

Ce sont 2 choix de vie différents. Il n'y en a pas un mieux que l'autre. Ce qui est important, c’est celui qui vous correspond ou qui vous correspond à différents âges de la vie.

 

Les deux grands domaines du moment sont la compliance et le digital. 

Le premier domaine est la compliance : les mesures qui visent à rendre conforme quelque chose vis-à-vis des normes en vigueur. Il existe différents types de compliance.

  • La compliance sectorielle avec par exemple la compliance financière.
    Vous devez par exemple vérifier dans une banque que toutes les règles de compliance ont bien été respectées pour que la banque ne transmette pas des fonds à Monsieur Pablo Escobar, à Daesh, etc. Ici, je parle seulement du blanchiment d'argent et de la lutte anti-terroriste mais il existe 50 sujets qui sont surveillés par les règles de compliance. Dans la compliance sectorielle vous avez d'autres secteur que la finance, comme l'industrie pharmaceutique ou l'assurance. Ce sont des secteurs où les règles de compliance se développent et donc les besoins en professionnels sont croissants.  
  • L'autre compliance qui se développe également, est la compliance qui touche toutes les entreprises, par exemple la plus connue, la compliance anti-corruption.
    Toutes les entreprises qui ont plus de 500 salariés sont obligées de mettre en place un plan de compliance anti-corruption pour éviter la corruption au sein de leur structure. Cette démarche est extrêmement lourde et donc beaucoup d'entreprises cherchent des compétences sur ces sujets.

Deuxième thème la digitalisation, qui comporte aussi beaucoup de sujets. 

Les métiers qui ressortent de plus en plus en ce moment sont liés à la blockchain (stockage et transmission de données). Ces métiers posent des questions juridiques extrêmement intéressantes. Ce sont des questions intéressantes mais très compliquées parce que, quand c'est nouveau, juridiquement vous êtes obligés d'extrapoler par rapport à l'existant et donc il faut parfaitement maîtriser l'existant

Attention, ce ne sont pas des postes vers lesquels il faut s'orienter en première partie de vie professionnelle, en tant que junior, même s'il y a des formations qui se multiplient sur le sujet. 

Droit des affaires

Recto Versoi : Pour un jeune souhaitant s’orienter vers les métiers du droit des affaires, quelles compétences clés leur conseilleriez-vous de développer ?

  • Premier domaine de compétences : les jeunes doivent avoir des compétences techniques très importantes sur les matières de bases de droit des affaires pour avoir une légitimité dans le domaine. C'est une matière technique il faut acquérir des connaissances techniques. 
  • Deuxième compétence : une compétence linguistique. Les jeunes aujourd'hui doivent être totalement “fluent” en anglais. Dans beaucoup de cabinets d'affaires à Paris, on ne travaille jamais en français. Et de nombreuses entreprises ne travaillent qu’en anglais. 
  • Troisième domaine de compétences : des compétences sur des matières qui vont vous permettre de travailler en interaction avec des entreprises, comme l’analyse financière et un peu de comptabilité. C'est important pour être désinhibé sur les questions mathématiques.

Il faut aussi être curieux du monde économique. Si vous voulez faire des fusions-acquisitions et que vous ne savez pas qu’une société s'est rapprochée d'une autre, c'est problématique. 

J’attends de mes étudiants qu’ils aient d'abord une expérience professionnelle, qu'ils soient confrontés à une société, qu'ils voient ce qu’est un dirigeant. Je souhaite qu'ils arrivent en cours en ayant compris les mécanismes de base. 

Recto Versoi : Pouvez-vous nous présenter votre Master 2 Droit des affaires en quelques mots ?

Le Master 2 Droit des affaires de l’université Paris-Dauphine est très généraliste, il permet d'envisager différents métiers du droit des affaires. Il essaye d'aborder le droit des affaires dans sa globalité. Je le co-dirige d’ailleurs avec un professeur de droit public ce qui est assez symbolique car ainsi on montre que l'on porte une importance au droit public même si la majorités des matières étudiées dans la formation sont du droit privé. Quelques questions de droit public sont traitées comme les contrats publics ou le contentieux fiscal. 

Nous avons plusieurs centaines de candidats chaque année, entre 500 et 700 en général mais nous n’en sélectionnons que 27. Presque tous les étudiants passent l'examen du Barreau, soit en arrivant, soit en sortant du master et nous avons à peu près 100% de réussite. De ce fait, nous avons une promotion qui est très appréciée et le master est très bien côté auprès des professionnels.

C'est un master professionnalisant, 80% des enseignants sont des professionnels, nous sommes en lien avec de nombreux cabinets et entreprises. Au début de l'année, une quarantaine de cabinets et d'entreprises viennent se présenter aux étudiants pour qu’ils puissent comprendre le monde professionnel, qu'ils se fassent leur idée eux-mêmes. Nous organisons aussi des rencontres pour qu'ils puissent trouver plus facilement des stages. Ces stages durent au minimum 3 mois (en cabinet, entreprise, juridiction). 

Recto Versoi : Mot de la fin : quels conseils donneriez-vous à un lycéen qui veut s’orienter dans ce domaine ?

Notre monde change très vite et il est dangereux de s'hyper-spécialiser. Vous pouvez vous hyper-spécialiser mais avec un socle très généraliste et solide qui vous permettra ensuite de rebondir vers une autre hyper-spécialisation. 

Soyez adaptables

C’est un choix de vie que vous allez opérer, par étapes successives.  Je pense que les jeunes d'aujourd'hui sont parfaitement dans cette agilité. En droit on a cette chance d'avoir divers modes d'exercice qui vont s'inscrire dans les différentes aspirations de chacun, à différents âges de la vie.

L’anglais est très important. Si vous allez faire un LLM (Master of Laws) à l'étranger vous n'allez pas forcément apprendre énormément au niveau des connaissances juridiques mais au moins vous allez très bien parler anglais et vous aurez un diplôme qui le prouvera.

Attention à l’influence sur l’intérêt d’une matière que peut avoir le professeur. Quand on a un professeur qui n'a pas réussi à transmettre le goût de la matière, on va automatiquement ne pas aimer la matière. On va ainsi se priver de quelque chose d'essentiel, d'un énorme domaine d'activité, d'une grande satisfaction intellectuelle et professionnelle. Il faut vraiment faire passer le message que même si le rôle du professeur est essentiel pour donner le goût à une matière, il faut aller plus loin, et vraiment se demander si la matière ne vaut pas mieux que le professeur.

 

Recto Versoi : Merci à Sophie Schiller d’avoir accepté notre invitation et pour le temps consacré.

 

Lien pour en savoir plus : Master 2 Droit des affaires Université Paris-Dauphine

 

 

Publié par Recto Versoi le 13/04/2018