Interview Jean-Yves Klein
Directeur MS Management des Entreprises Culturelles et des Industries Créatives (MECIC) - Burgundy School of Business (BSB)

Interview Jean-Yves Klein - Directeur du MS Management des Entreprises Culturelles et des Industries Créatives (MECIC) - Burgundy School of Business

Nous avons le plaisir d’accueillir cette semaine sur notre blog, Jean-Yves Klein, directeur du Mastère Spécialisé Management des Entreprises Culturelles et des Industries Créatives (MECIC) de Burgundy School of Business. Jean-Yves Klein a bien voulu partager avec nous son regard d’expert sur le monde de la culture.

Qui est Jean-Yves Klein ?

Logo Burgundy School of Business - Mastère Spécialisé Management des Entreprises Culturelles et des Industries Créatives (MECIC)

Jean-Yves Klein est le directeur du Mastère spécialisé Management des Entreprises Culturelles et des Industries Créatives (MECIC) du groupe Burgundy School of Business, implanté à Paris depuis 28 ans.

Jean-Yves Klein est entré à l'INSEEC (école de commerce) à Paris pour suivre l’option “art et culture”. Il a ensuite exercé pendant 15 ans différents postes de direction de production, de post-production, de commercialisation à l’international, dans la production audiovisuelle au sein de grands groupes comme de petites structures. Il a été également indépendant, créateur d'entreprise sur du court-métrage, de l'animation et des films institutionnels.

En 2000, parallèlement à ces activités, Jean-Yves Klein a commencé à enseigner auprès des intermittents du spectacle désireux de créer leur entreprise puis auprès des étudiants lors de ses interventions dans le MS MECIC, qu’il dirige maintenant depuis 2013.

Jean-Yves Klein se consacre aussi à l’accompagnement des étudiants sur leur projet professionnel dans le secteur culturel et étudie le mouvement des artistes entrepreneurs.

En dehors de ses activités d’enseignant, Jean-Yves Klein est impliqué bénévolement dans le parrainage de jeunes en difficulté en région parisienne. Notamment au sein de plusieurs associations dont l'Institut de l'engagement, structure créée dans le cadre du service civique, qui propose à l'ensemble des personnes effectuant un service civique, de les accompagner dans leurs projets (reprise d’études, recherche d’emploi ou création d'entreprise).

 

Et maintenant, place à notre interview.

Quels sont les aspects du management des entreprises culturelles qui vous intéressent/passionnent le plus ?

Le fondement même de cette discipline (formalisée depuis 30 ans dans les premières formations qui ont émergées) est le principe de se mettre au service d'une création artistique. Vous venez vous positionner en soutien à une forme de création en devenir, existante ou passée. Dans tous les cas, le management culturel consiste à se positionner en force d'accompagnement à différentes phases de la vie de cette oeuvre : en phase de de production, de financement ou de diffusion. Il peut toucher à tous les univers : du spectacle vivant, jusqu’aux industries créatives comme les jeux vidéos, en passant par le patrimoine et les arts.

Il existe une multitude de métiers différents, de modes de travail différents, qui peuvent s'articuler autour de ces formes de création.

Dans ce secteur nous pouvons trouver des environnements de travail très variés, avec des valeurs très différentes les unes des autres. Dans l'ensemble des ces environnements, chaque personnalité peut y trouver la forme de travail, le type de fonction, le cadre de travail qui peut lui correspondre.

Un des autres avantages de ce secteur est que l'ensemble de ces postes sont très difficilement délocalisables, ils sont forcément attachés à un lieu, à un moment de création, à une équipe artistique en place, c'est aussi ce qui fait la force de ce secteur économique.

Aujourd’hui quels sont les métiers dans ce domaine les plus recherchés par les entreprises/organisations ? Quels sont les métiers émergents, les nouveaux métiers ?

Le secteur culturel en France représente environ 90 milliards d'euros de chiffres d’affaires, à peu près 45 milliards d'euros de création de valeur, avec un investissement public en financement divers et subventions de l'Etat et des collectivités locales confondues de 18 milliards d’euros. Ces chiffres donnent une idée complètement différente de ce que l'on a habituellement en tête, à savoir que le secteur culturel est effectivement subventionné et soutenu par les pouvoirs publics, mais qu'il est très largement bénéfique pour l ‘économie du pays.

En terme de création d'emplois, le secteur culturel dans son ensemble est plus important que le secteur de l'automobile ou celui des télécoms.

Une fois ces éléments en tête, on balaye beaucoup d'idées reçues, disant que la culture est un milieu compliqué ou fragile. Certes, il y a un part de vérité dans un certain nombre de cas, mais ce milieu peut aussi être extrêmement dynamique et même très fort à l'export. L'audiovisuel et les jeux vidéos sont des secteurs qui s'exportent extrêmement bien à travers le monde.

Il existe aussi une très forte résurgence du spectacle vivant dans toute sa diversité depuis plusieurs années, en partie suite à l'effondrement du disque en tant que support de diffusion de la musique.

Dans le secteur culturel on trouve une grande variété de métiers dans différents domaines :

  • La production : administrateur d'un théâtre, d'une compagnie de théâtre ou de danse, un chargé de production dans une société de production audiovisuelle ou cinéma. A l’intérieur de cette fonction, on trouve également les fonctions d'administration ou de gestion de production, dans des musées ou dans des lieux d'exposition temporaires par exemple. Ces personnes vont travailler non pas à la création d'une nouvelle oeuvre, mais à la création d'un événement, avec une programmation artistique.

    Autour de cette programmation vont se greffer toute une série de professionnels : des chargés de production, des chargés d'exposition qui vont mettre en place toute la logistique qui va permettre de réaliser l'événement, de faire venir les toiles, de les expertiser, de les assurer et de travailler sur la mise en lumière de ces éléments.

 

  • Le financement : recherche de mécénat, recherche de partenariat/sponsoring. Ces types de postes impliquent de plus en plus une grande capacité de commercialisation ou de négociation. Ils sont indispensables chez tous les opérateurs culturels aujourd’hui.

 

  • La communication et le marketing : élaboration de la stratégie de communication, mise en place d'application, fonctions liées à la communication digitale (ex : sur les réseaux sociaux), dans les médias. Aujourd'hui on trouve des community managers un peu partout, que ce soit au musée Picasso, chez Ubisoft, ou dans des labels de musique indépendants.

    Mais aussi tout ce qui touche au marketing direct ou à la billetterie en ligne. Ces métiers sont de plus en plus présents dans le secteur culturel et deviennent indispensables pour tous les arts.Avec la RGPD (Règlement général sur la protection des données), la gestion des données notamment dans la billetterie devient également un des enjeux majeurs pour les années à venir.

 

  • La médiation : lorsque l'on donne à voir une création, il est important d'apporter des éléments de contextualisation de cette création auprès des spectateurs. Cela nécessite aussi un certain nombre de compétences rédactionnelles, une connaissance de l'histoire de l'art, de compétences relationnelles avec les prestataires. Le digital a fait une entrée en force, avec les tablettes, les smartphones et fait évoluer la façon de donner des indications aux visiteurs sur les œuvres qu'ils regardent.

    Le médiateur culturel va déambuler dans l'espace d'exposition et va être directement au contact des visiteurs. Quant au chargé de médiation culturelle, il va travailler en amont dans la rédaction, dans la création des éléments de médiation en partenariat avec la direction des expositions voire les artistes eux-mêmes. Ainsi il pourra encore mieux transmettre les éléments clés indispensables à la bonne compréhension de l’oeuvre. Il s’occupera également de la réalisation des outils, que ce soit les cartels qui se trouvent toujours à côté des oeuvres, ou bien une image en haute définition pour avoir des éléments qui puissent être présentés en ligne.

 

Management culturel

Pour un jeune souhaitant s’orienter vers ces métiers, quelles compétences clés leur conseilleriez-vous de développer ?

Pour commencer, il faut être curieux et ne pas attendre l'autorisation de qui que ce soit pour expérimenter. Le secteur culturel est très ouvert, contrairement à ce que l’on peut croire.

Prenons un exemple : vous êtes intéressé par l'audiovisuel mais vous ne savez pas comment ce secteur est structuré.

Une solution : se présenter en temps que bénévole pour un festival de courts-métrages. Vous pouvez le faire en tant que bénévole même en étant encore au lycée. Des rencontres, des discussions vont vous ouvrir sur tous les métiers et environnements de travail possibles. Un jeune peut créer dans son lycée une soirée cinéma, une représentation théâtrale amateur ou organiser une visite dans un musée. Personne n'a besoin de la permission de qui que ce soit pour commencer à faire des choses de ce type.

Certains de nos étudiants continuent à avoir des activités comme celles-ci, ponctuelles, bénévoles ou indépendantes, pour continuer d'expérimenter.

De plus, à chaque fois qu’un jeune va commencer à travailler, pour se faire de l'argent de poche, il a intérêt à s’orienter dans le domaine culturel : être caissier ou ouvreur dans une salle de spectacle, dans un cinéma, aider à l'inventaire dans une librairie ou à l'archivage dans un musée...

Le troisième élément concerne la légitimité personnelle que vous aurez à travailler sur un contenu artistique. Peu de formations sont capables de vous donner ça, c'est quelque chose qui se construit en vous-même et qui nécessite d'avoir une appétence pour les objets artistiques et culturels que vous aurez envie de voir, de découvrir, de lire, d'expérimenter. Aujourd'hui l'accès à la culture n'est pas totalement gratuit mais avec internet qui peut véhiculer le meilleur comme le pire, on peut avoir accès à toutes les  formes artistiques. Petit à petit vous allez acquérir une expertise, des compétences, une légitimité dans les contenus artistiques qui sont susceptibles de vous intéresser.  

Le dernier point est d'essayer à chaque fois qu'on prend une décision d'orientation après le bac, d'essayer de penser à l'effet que fera cette ligne supplémentaire sur son CV dans quelques années. Ce parcours ne doit pas forcément être linéaire, mais il faut quand même réussir à penser l'histoire que vous allez raconter dans l'ensemble de ce cheminement. Il n'y a pas une façon de faire mais il est important que les étudiants comprennent l'image globale que l'on aura d'eux dans quelques années.

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots le MS MECIC ?

Le MS MECIC est une formation qui s'adresse aux titulaires d'un diplôme Bac+4, Bac+5, qui peuvent être issus de formations très variées : de l’administration, du milieu juridique, du domaine artistique. Il n'y a pas de pré-requis thématiques à l'admissibilité. En revanche il y a la nécessité d'avoir une cohérence entre un projet professionnel déjà réfléchi et des compétences acquises au travers des formations antérieures, des stages, ou du bénévolat.

Nous proposons une formation qui a pour objectif que 18 mois plus tard, les étudiants soient insérés professionnellement là où ils le souhaitaient au départ.

Chaque année la promotion du MECIC est d'environ 20 personnes. De ce fait la sélection à l'entrée est élevée, on choisit les profils qui ont le plus de maturité quant à leur projet professionnel. Au sein de notre programme, nous n’avons pas fait le choix de la spécialisation sectorielle au sein du secteur culturel. On considère que l'avenir est aux activités pluridisciplinaires. Par exemple, pour produire un festival de spectacle vivant dans un lieu historique et touristique il faut des professionnels qui connaissent les arcanes de ces 2 secteurs.

Le MS MECIC démarre par une période de cours de 6 mois (octobre-mars) à Paris dans nos locaux. La formation est extrêmement dense (450h), son contenu est composé de cours, de travaux dirigés, d'ateliers, d'intervenants professionnels, de conférences thématiques. Ces contenus permettent de mettre en relation les étudiants avec une soixantaine de professionnels en activité (90% des intervenants). Ce choix est volontaire, nous souhaitons que les professionnels fassent découvrir aux étudiants le plus d'environnements, de postes, de responsabilités différents.

Nous offrons également l’opportunité à nos étudiants de pouvoir être mis en relation avec des professionnels qui vont aller plus loin avec chacun d'entre eux, en fonction de leurs désirs personnels. Ceci va nous permettre de garantir à chaque étudiant d'avoir un regard plus approfondi sur son propre parcours, sur son propre projet professionnel.

Nous avons également un module qui s'intitule projet professionnel et développement personnel, qui se consacre à l'approfondissement du projet professionnel pour lequel le candidat ou la candidate a été recruté(e).

Cette période de cours est suivie à partir d'avril, d'un stage de 4 à 6 mois, qui peut être aussi la création d’une entreprise. Certains de nos étudiants ont été recrutés sur des projets de création d'entreprise et ont ainsi l'opportunité de réaliser leur mission professionnelle en créant leur activité.

Par exemple, nous avons eu un étudiant en reconversion professionnelle avec une formation initiale d'expertise comptable, qui était auditeur grands comptes depuis 5 ans pour des grandes entreprises. Auparavant il avait eu une expérience associative dans l'univers culturel et il souhaitait réintégrer cet univers en utilisant ses compétences avec un projet de création d'expertise comptable dédié aux activités culturelles. L’école l'a donc accompagné en ce sens. Au mois d'avril il a créé son activité et maintenant ça fait 4 ans que son cabinet existe et se porte très bien, 60% de son activité est représenté par des clients dans le secteur culturel.

Dans le même temps que se déroule cette mission professionnelle, les étudiants doivent rédiger une thèse professionnelle. Ce n'est pas un travail de recherche mais un travail d'approfondissement en lien avec le projet professionnel porté par l'étudiant.

Mot de la fin : quels conseils donneriez-vous à un lycéen qui veut s’orienter dans ce domaine ?

Il faut faire preuve de curiosité et surtout il n'a pas besoin d'attendre la permission de qui que ce soit pour commencer à construire son expérience dans le domaine culturel. C'est beaucoup plus simple qu'il peut le penser.

Il faut rencontrer, discuter, participer à des événements culturels pour ouvrir des portes. Ce sont ces expériences qui poseront les bases de son propre réseau professionnel dans le domaine culturel.

 

Merci à Jean-Yves Klein d’avoir accepté notre invitation et pour le temps consacré.

 

 

 

 

Publié par Recto Versoi le 06/06/2018